Le mythe des Schindler turcs

Ancien utilisateur
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A Istanbul, il est de bon ton d’affirmer que la Turquie a sauvé de nombreux Juifs du nazisme. Une historienne turque balaie ce mythe.

L’un des mythes nationaux les plus populaires, chez nous, en Turquie, repose sur la croyance selon laquelle des diplomates turcs auraient sauvé des milliers de Juifs condamnés à une mort certaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui permet à bon nombre de Turcs de s’enorgueillir de la leçon d’humanité que leur pays aurait ainsi donnée au monde. Mais cela s’est-il vraiment passé ainsi ?
Il faut d’abord savoir que les premières manifestations de sympathie à l’égard du nazisme apparaissent en Turquie dès 1933, c’est-à-dire dès que les nazis arrivent au pouvoir en Allemagne. Mais c’est véritablement à partir de 1937 que la propagande allemande prend son essor, avec l’ouverture d’un “office allemand d’information” à Istanbul, dans le quartier de Cagaloglu. Les articles et les caricatures visant les minorités – et en particuliers les Juifs – se multiplient alors dans la presse turque. C’est aussi cette année-là que le gouvernement turc demande à ses représentations à l’étranger de ne pas octroyer de visas à des Juifs, sans que cette directive ait d’ailleurs un caractère contraignant. En août 1938, le décret n° 2/9498 stipule : “Les Juifs qui, quelle que soit aujourd’hui leur religion, sont soumis à des pressions concernant leurs droits de résidence et de voyage dans les pays dont ils sont ressortissants seront désormais interdits d’entrée et de résidence en Turquie.”
Cette politique s’est illustrée concrètement le 8 août 1939, lors­que le Parita – un navire emmenant en Palestine un groupe de 860 réfugiés juifs venus de plusieurs régions d’Europe – fut obligé, après diverses avaries, d’accoster dans le port d’Izmir. Bien que les réfugiés aient hurlé : “Tuez-nous si vous voulez, mais ne nous renvoyez pas d’où nous venons”, le Parita fut chassé sans ménagement du port d’Izmir par deux bateaux de la police maritime turque. Le lendemain, le quotidien turc Ulus titrait en une : “Ces bons à rien de Juifs ont quitté Izmir”.
Il faut aussi rappeler que la signature du traité d’amitié turco-allemand, le 18 juin 1941, fut accueillie très favorablement dans le pays. Quand l’armée allemande attaqua l’Union soviétique, le quotidien officiel Cumhuriyet célébra l’événement quatre jours plus tard en titrant : “La nouvelle croisade !” Le rédacteur en chef du journal, Yunus Nadi, montra si franchement sa sympathie pour le régime hitlérien que certains le surnommèrent “Yunus Nazi”. Faik Ahmet Barutçu, député de Trabzon, rend bien compte dans ses Mémoires de l’ambiance qui régnait alors en Turquie : “La guerre germano-soviétique suscita dans le pays une véritable ambiance de fête. Tout le monde se congratulait. Les députés de l’As­semblée nationale turque se félicitaient de cette situation.” Pendant toutes les années de guerre, la Turquie – qui est restée neutre jusqu’à fin février 1945 – a constitué l’un des rares territoires européens, avec l’Espagne, où les Juifs pouvaient espérer échapper au nazisme. Mais il est rapidement apparu que cette porte de sortie n’était pas la plus sûre. L’épisode du Salvador l’a très vite démontré. Cette embarcation, qui avait été conçue pour transporter un maximum de 40 passagers mais qui transportait 342 Juifs fuyant une Roumanie marquée par d’effroyables massacres, arriva à Istanbul le 12 décembre 1940. Il était clair que ce cercueil flottant n’était pas en mesure d’aller beaucoup plus loin. Il n’en fut pas moins forcé par les autorités turques de poursuivre sa route. Les conséquences d’une telle décision ne se sont pas fait attendre : pas moins de 219 corps furent repêchés le lendemain au large de Silivri [à une soixantaine de kilomètres à l’ouest ­d’Is­tanbul], où le bateau avait été pris dans une violente tempête. Les morts furent enterrés au cimetière juif de Silivri. Et 63 des 123 rescapés furent expulsés vers la Bulgarie, tandis que les autres furent embarqués à bord du Darien II pour rejoindre la Palestine.

“Tuez-nous si vous voulez, mais ne nous renvoyez pas”

Après cette tragédie, la Turquie adopta, le 12 février 1941, un décret autorisant et organisant le passage de réfugiés par son territoire. Mais le texte limitait le nombre de réfugiés en provenance de Hongrie, de Roumanie et de Bulgarie à 4 500 personnes, au rythme maximal de 60 par semaine. Il fallait en outre satisfaire à toute une série de conditions pour pouvoir prétendre au statut de réfugié : avoir au préalable obtenu un “visa d’entrée pour la Palestine datant d’avant le début du conflit”, détenir un “visa de transit pour la Syrie”, ou “avoir suffisamment d’argent”. Il faut enfin préciser que ces “facilités” n’ont été ouvertes que pour une seule année.

Dans le droit fil de cette politique, les citoyens turcs juifs adultes furent forcés de faire leur service militaire dans des unités particulières, où “par précaution” on ne leur confiait pas d’arme et où ils devaient effectuer des travaux pénibles, selon le modèle qui fut appliqué aux Japonais des Etats-Unis internés à la même époque parce que considérés comme une “cinquième colonne”. Ces mêmes Turcs juifs furent ensuite soumis, à partir de 1942, à un “impôt sur la fortune”. Ceux qui refusèrent de payer cet impôt furent envoyés dans des camps de travail à Askale [nord-est de l’Anatolie].
Un nouvel incident marquant eut lieu le 12 dé­cembre 1941 : le Struma, un navire usé et en fin de vie, tomba en panne dans le Bosphore, à proximité d’Istanbul. Il était parti du port roumain de Constanza, sur la mer Noire, avec 769 réfugiés juifs à son bord. Répondant à ses appels de détresse, des bateaux turcs remorquèrent trois jours plus tard le vieux navire jusqu’à Sarayburnu, au cœur d’Istanbul. Le moteur fut enlevé pour être réparé, mais, hormis des officiels turcs, personne ne fut autorisé à monter à bord. Les réfugiés du Struma furent confinés à bord, car les autorités turques étaient persuadées que leur véritable intention n’était pas de se rendre en Palestine mais de s’installer à Istanbul.
Simon Brod et Rifat Karako, qui comptaient parmi les personnalités les plus en vue de la communauté juive d’Istanbul, durent attendre dix jours pour être autorisés à accéder au Struma. Ce n’est qu’à partir de ce moment que fut distribuée aux passagers de la nourriture chaude offerte grâce aux 10 000 dollars que le Comité juif américain avait envoyés à cet effet au grand rabbinat d’Istanbul. La situation était bloquée : le capitaine du navire souhaitait débarquer tous les passagers et repartir en Bulgarie, tandis que les autorités turques voulaient surtout se débarrasser de ces réfugiés juifs.
Après soixante-trois jours d’une terrible attente, les autorités britanniques consentirent finalement à octroyer un titre de voyage à 28 enfants âgés de 11 à 16 ans. La Turquie, quant à elle, n’infléchit pas sa position et rejeta la proposition britannique. Une semaine plus tard, le navire reçut l’ordre de lever l’ancre et de partir en direction de la mer Noire. Mis au courant de cette décision, les passagers du Struma pendirent des deux côtés du bateau de grands draps où étaient écrits (en grandes lettres et en français) “Immigrants juifs”. Ils hissèrent également un drapeau blanc sur lequel était écrit : “Sauvez-nous”. Environ 200 policiers turcs prirent alors d’assaut le Struma et obligèrent – à coups de pied et à coups de poing – les réfugiés à rester dans les cales. L’ancre fut levée et le Struma remorqué vers la mer Noire. Le navire fut abandonné à son triste sort, sans moteur, sans carburant, sans nourriture et sans eau potable.
Le 24 février 1942, à 2 heures du matin, il fut coulé par un sous-marin soviétique. Lorsque des canots de sauvetage arrivèrent sur le lieu du naufrage, il ne restait plus des passagers que quatre corps qui flottaient. David Stoliar, un jeune homme âgé alors de 19 ans, fut le seul survivant de cette tragédie. Après avoir reçu des soins dans un hôpital militaire turc, Stoliar fut emprisonné dans une cellule de la direction de la police turque à Istanbul et interrogé pendant deux semaines. Lorsqu’il demanda ce qu’on lui reprochait, on lui répondit qu’il était “entré en Turquie sans visa”. Il fut finalement remis en liberté et Simon Brod, qui l’avait accueilli, lui expliqua que c’était un miracle d’avoir survécu à ce naufrage, mais qu’en réalité le véritable miracle, c’était qu’il soit ressorti vivant des griffes des autorités officielles turques alors qu’il était l’unique témoin de ce drame…
Le gouvernement turc ne s’exprima qu’une seule fois sur la tragédie du Struma et ce fut pour dire que la Turquie n’avait “aucune responsabilité dans cette catastrophe” et que la seule chose qu’elle avait faite avait été d’“empêcher des individus de pénétrer illégalement sur son territoire” ! La police turque fit alors savoir à la communauté juive d’Istanbul qu’elle souhaitait que “cette question ne soit plus abordée”. Ce qui fut fait. C’est ainsi que se clôtura l’épisode dramatique du Struma.
La Turquie maintint par la suite une politique très sévère à l’égard des réfugiés. En mai 1943, 20 000 Juifs de Bulgarie qui demandaient à pouvoir transiter par la Turquie pour se rendre en Palestine se virent opposer un refus de la part du gouvernement turc, qui déclara “ne pas pouvoir faire face aux problèmes qu’une telle situation pourrait engendrer”. Lorsqu’une demande identique émana de Juifs grecs, la Grande-Bretagne proposa la création d’un centre d’accueil pour ces réfugiés en Turquie, mais les autorités turques refusèrent.

Dans le contexte de cette politique, les diplomates turcs de l’époque n’avaient guère de latitude pour faire preuve d’héroïsme humanitaire. S’il est vrai que certains d’entre eux – et notamment Selahattin Ülkümen [consul de Turquie à Rhodes, qui en 1944 a sauvé des Juifs de la déportation et a par la suite été élevé au rang de “juste”] – ont commis des actes de bravoure, des doutes importants demeurent concernant l’héroïsme d’autres diplomates turcs, tels que Behiç Erkin et Necdet Kent [père de Muhtar Kent, le nouveau directeur mondial de Coca-Cola]. L’historienne et turcologue allemande Corrina Guttstadt a eu l’occasion d’aborder ce sujet dans un article récemment publié dans la revue d’histoire sociale Toplumsal Tarih.
Plaçant les Juifs apatrides et les Juifs polonais au plus bas de leur échelle de valeur, les nazis les ont envoyés en priorité dans les camps de concentration. Les Juifs citoyens de pays neutres tels que la Turquie ont par contre, en général, pu échapper aux arrestations et à la déportation. Au moins jusqu’en 1943, un document attestant de la citoyenneté turque pouvait ainsi constituer une sorte de bouée de sauvetage. Pour autant, la version selon laquelle Behiç Erkin, en poste à Paris et ensuite à Vichy, aurait sauvé 20 000 Juifs en distribuant des documents d’identité turque relève de la fable. Ces documents de routine étaient distribués par les consulats turcs, en échange du passeport, aux citoyens turcs résidant à l’étranger dans le but de les contrôler. Les Juifs, qui avaient beaucoup de mal à les obtenir, étaient en fait obligés de se les procurer au marché noir.
Entre 1941 et 1944, la Turquie, plutôt que d’accueillir de nouveaux citoyens, a surtout procédé à des annulations de citoyenneté pour 3 500 citoyens turcs vivant à l’étranger au prétexte qu’“ils [n’avaient] pas participé à la guerre d’indépendance” [1919-1922] ou qu’“ils [n’avaient] plus pris contact avec un consulat turc depuis cinq ans”. Or il apparaît que l’écrasante majorité des personnes concernées étaient juives. Le 17 juin 1942, c’est-à-dire lorsque le diplomate Behiç Erkin était en poste en France, la police française chargée des rafles de Juifs s’adressa aux responsables nazis pour savoir comment elle devait traiter les 150 Juifs turcs internés dans le camp de Drancy, “qui [attendaient] toujours de se voir reconnaître la citoyenneté turque par le consulat de Turquie”. Les autorités consulaires turques répondirent que “ces individus [n’étaient] pas des citoyens turcs”, ce qui les condamna à être déportés vers les camps d’extermination ! En février 1943, les autorités consulaires turques en France n’ont reconnu la citoyenneté turque qu’à 631 Juifs turcs sur une liste de 3 036 noms fournie par les autorités allemandes et n’ont octroyé in fine un visa d’entrée pour la Turquie qu’à 114 d’entre eux. Même les Allemands furent surpris par une telle attitude. Bref, Behiç Erkin n’a pas sauvé, comme on le prétend, 20 000 Juifs, mais seulement 114.
Quant au deuxième Schindler turc, Necdet Kent, qui a prétendu avoir sauvé 80 Juifs turcs sur le point d’être embarqués dans des trains par la Gestapo à la gare Saint-Charles de Marseille, son récit suscite bon nombre d’interrogations. Necdet Kent ne donne ni noms ni dates. Il prétend avoir reçu du courrier de Juifs qu’il aurait réussi à sauver, mais il n’a jamais été en mesure de citer leurs noms, au motif qu’il aurait égaré les lettres. Quant à Sidi Isçan, qui aurait également participé à ce sauvetage en tant qu’adjoint de Kent, il n’a jamais confirmé la réalité des faits. [Il est aujourd’hui décédé.]
Serge Klarsfeld a prouvé par ses travaux qu’aucune déportation de Juifs n’avait été organisée depuis la gare Saint-Charles de Marseille. Les responsables de Yad Vashem, le musée de l’Holocauste de Jérusalem, ont expliqué à l’historienne Corrina Guttstadt que cela faisait des années que le ministère des Affaires étrangères turc faisait des démarches pour que la médaille de “juste parmi les nations” soit donnée à Necdet Kent [décédé en 2002], mais que cela n’était pas possible dès lors qu’il n’y avait aucun document qui témoigne des faits d’héroïsme qui lui sont attribués.
On le voit, la politique de “neutralité active” de la Turquie fut indéniablement entachée par la sympathie affichée par Ankara à l’égard du nazisme. Contrairement à ce que l’on a souvent prétendu, la Turquie n’a pas sauvé des milliers de Juifs, mais a contribué, par sa politique très restrictive à l’égard des réfugiés, à ce que des milliers de Juifs périssent. Dans la mesure où bon nombre de pays européens ont fait preuve de la même attitude à cette époque, il n’y a sans doute pas de raison d’en éprouver plus de honte qu’eux. Mais tirons les leçons de l’Histoire. Et, surtout, n’inventons pas de faux héros et de fausses histoires pour nier notre responsabilité dans les souffrances des victimes.

* Historienne spécialisée dans l’étude des politiques turques à l’égard des minorités au XXe siècle.

Ayse Hür*
Taraf

Ancien utilisateur
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Cet article spécialement taillé pour moi , me fait doucement rire
surtout quand on sait qui est cette historienne

moi je vais vous donner un seul conseil
Lisez Alexandre Adler sur ce sujet ....
c est tout point finale

le fait que près de 100 000 juifs furent sauvé est établi
le fait que les turcs sauvèrent aussi la grosse partie des juifs d Espagne de l 'inquisition est aussi établi

mais bon a chacun son histoire

mais un conseille
renseigne toi d abord sur cette historienne , avant de juger chaque article subversif comme vérité historique

conseil
ALEXANDRE ADLER , !

Ancien utilisateur
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Suite a ces allégations je me permet de poster ceci , à lire , document intéressant ..et de sources fiables!
Ceci dit la Turquie ,à cette époque n'avait pas vocation a sauvé les juifs, tout les juifs , elle en pouvait prétendre sauver que ceux qui étaient de nationalité Turque reconnu , et certain beneficieront de faux vrais passeport par des diplomate bienveillant , alors il se peut que cette dernière ne soit pas un exemple d humanité absolu, n'empêche que certains doivent leurs vies a ces derniers et celà même en Eretz , l'amitié et la collaboration Turco Israélienne dans tout les domaines n'est pas un vain mot..
je reproduis ci dessous un témoignage assez intéressant

SOUVENIRS DE GUERRE

Estelle Dorra

Dans le "B'nai B'rith news" n°8, août septembre 99, un encart "APPEL POUR LA TURQUIE" mentionne qu'en 1492 le peuple turc a accueilli les Juifs chassés par l'inquisition.

Il semble important d'ajouter que le peuple turc et ses institutions ont soutenu efficacement le peuple juif beaucoup plus récemment : pendant la guerre 39-45. Il s'agissait de bien plus que d'un simple soutien : la politique des représentants de la Turquie était de considérer les Juifs turcs où qu'ils soient comme leurs ressortissants et à ce titre de refuser de donner leurs listes aux Allemands dans les pays occupés.

Je souhaite citer ici l'exemple des Juifs turcs qui se trouvaient en France pendant l'occupation. Tous ceux, du moins, qui s'étaient déclarés au consulat, ont été informés qu'il n'était plus possible de les protéger en France. Le Consulat Turc en France a donc organisé leur rapatriement vers la Turquie, en train, à travers l'Europe occupée.

J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas là d'un fait isolé, mais de la politique de la Turquie. Il me semble important que ces faits soient connus. Voici le récit que ma mère d'Estelle Dorra - Cohen de son nom de jeune fille, à fait de leur rapatriement en février 1944.< /I>

Evelyne Botbol Dorra
Survint la guerre... Nous sommes restés à Paris. Ayant conservés la nationalité turque, nous n'avions pas l'obligation de porter l'étoile jaune, mais, nous devions rester à la maison après vingt heures. Les théâtres, cinémas et autres lieux publics nous étaient interdits. Nous étions relativement protégés, comme ressortissants d'un pays neutre. Mon père avait conservé son magasin mais sous la tutelle d'un gérant aryen.

Nous vivions dans l'angoisse et la peur, mêlées cependant d'insouciance et de futilité, commettant tous, grands et petits mille et une imprudences, insouciants du danger.

la Directrice de mon lycée, le lycée Hélène Boucher, s'était occupée de cacher, avec l'aide de familles françaises, quelques fillettes restées seules après les premières rafles.

Parmi les frères et les cousins, quelques-uns étaient prisonniers de guerre, d'autres internés à Drancy. Je me souviens d'une nuit où nous avons quitté la maison parce que nous avions été informés que l'on viendrait nous prendre. Un ami grec chrétien nous a accompagnés, la nuit, dans les rues jusqu'à une cachette, passant entre les contrôles, courant avec nos valises, transpirant et tremblant, exactement comme dans l'équipée du film "La traversée de Paris". Peu à peu le danger approchait.

Vers la fin de l'année 1943, le Consulat de Turquie nous a fait savoir qu'il ne pourrait plus assurer notre protection en France : nous allions être rapatriés en Turquie. Je ne me souviens pas des formalités, mais elles furent longues et compliquées.

Je nous revois seulement, une cinquantaine d'années en arrière, en février 1944, vingt à trente familles, dans un unique wagon spécial du train qui devait traverser l'Europe en guerre Des caisses de nourriture étaient prévues pour une semaine au moins, les femmes portaient tous leurs bijoux, ces mêmes bijoux qui devaient servir plus tard à nous permettre de vivre un temps indéterminé, de l'argent était également caché dans les semelles de chaussures de chacun, grands et petits.

Nous avions avec nous un "Transport Fürhrer", Monsieur Gabay, chargé des discussions avec les différentes autorités tout au long de ces huit à dix jours de voyage.

Dans cet "Orient Express" très particulier, nous avons voyagé un ou deux jours sans problèmes, circulant et vivant dans les couloirs, bavardant avec les autres voyageurs de notre âge, sympathisant avec tous. Les familles se connaissaient. Certaines sortaient de Drancy, étant "Turcs reconnus".

A notre arrivée à Vienne, notre wagon fut détaché du train. Nous avons attendu, puis nous nous sommes enhardis peu à peu à sortir pour rejoindre la ville. quelque uns sont restés tout à côté de la gare, dans les cafés alentour. D' autres, comme des oiseaux fous, se sont éparpillés dans toutes les directions, se prenant pour des touristes en voyage d'agrément.

Mon père et moi avons sauté dans un tram et circulé à travers la ville. Nous avons rencontré des "travailleurs volontaires" venant de France.

Nous avons également vus un grand nombre de soldats blessés, un bras ou une jambe en moins, ce qui ne se voyait pas à Paris.

Cette escapade était une folie, mais peut-être il y a t-il un D. pour les inconscient, comme il y en a un pour ceux qui boivent trop de raki… De retour à la gare, un événement grave était survenu pendant notre absence : une dame de notre groupe, parlant l'allemand, avait sans méfiance, raconté que nous étions des juifs retournant dans leur pays. Pauvres de nous !

Notre wagon fut rattaché à un autre train, et "Faus Raus", en arrière. Des cris, des jurons en allemand ! Qu'allait-il nous arriver ? Nous sommes tous restés muets, silencieux et terrorisés. Les croyant priaient D. . Notre wagon fut de nouveau détaché, et nous sommes restés toute la nuit dans une plaine enneigée, sans chauffage, sans eau, tremblant de peur et de froid.

Enfin, grâce à D., et aussi, grâce au bon M. Gabay, qui s'est démené de toutes parts, les choses se sont arrangées. Nous voilà de nouveau en direction d'Istanbul. Pendant la traversée de la Hongrie, nous avons eu une escorte de soldats hongrois. Plus tard, ce fut la Yougoslavie, nous regardions par la fenêtre, essayant d' apercevoir quelque uns des vaillants partisans de Tito… Puis la Bulgarie, la neige, la neige, et les paysannes avec leurs fichus sur la têtes, nous apportant du pain lors des arrêts fréquents. l'envie de rire, de dire n'importe quoi était revenue.

Enfin, la Turquie ! Nous fûmes hébergé quelques jours dans " l'Hôtel International" une chambre minuscule pour chaque famille, les uns sur les autres, les femmes cuisinaient toutes ensemble dans une cuisine improvisée.

Par la suite, chacun a retrouvé, qui un frère, qui un cousin, qui des amis. Nous avons essayé de raconter la vie à Paris, mais les gens ne voyaient que nos chaussures à semelles de bois, les longues boucles d'oreilles scintillantes des jeunes filles, et les coiffures en hauteur au dessus du front : Ah ! ces parisiennes, elle n'ont pas l'air bien malheureuses !
http://www.sefarad.org/publication/lm/039/7.html

Ancien utilisateur
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encore un temoignage ....


"Un Juste Turc, Mr Selahattin Ulkman", par Herbert Israel
17 juin 2006

Herbert Israel

J’ai connu Rhodes à travers les récits de mon père, telle une histoire d’amour qui s’est perpétuée pendant quatre siècles.

Elle m’est donc familière et lointaine. Mon père, un merveilleux conteur, auréolait ses récits des voyages, des écrits et de la grande renommée des rabbins Israël dont les portraits ornent l’album familial.

Bien plus tard, au cours d’une escale dans l’île, j’ai appris que l’actuel président de la communauté, M. Soriano, avait été sauvé pendant la guerre, avec quelques autres, par le consul de Turquie.

En 1992, j’ai lu dans le journal Hamevasser de la communauté de Copernic que Mr Selahettin Ulkman, consul de Turquie à Rhodes en 1943/1944, avait été reconnu en juin 1990 par Yad Vashem comme Juste parmi les Nations.

J’ai donc cherché à savoir davantage sur les circonstances de son aide et de ses actes. J’ai été aidé dans ma tâche par Mr Brobart, correspondant de Yad Vashem à Paris, par Moïse Rahmani et par Madame Jacqueline Benatar de Jérusalem, Cythie Haft et le Dr. Paldiel Mordehai du département des Justes.

Je les remercie et précise que c’est grâce à eux que j’ai pu avoir accès à tout ce que j’ai pu connaître sur Mr. Ulkman.

La chronologie de la recherche du sauvetage des Juifs de Rhodes par Mr. Ulkman est la suivante :

En 1988, le journal israélien Davar parait avec en gros titre un article intitulé : "les Turcs ont également sauvé des Juifs".

Le 10 Août 1988, Mr. Schlomo Cohen de Jérusalem, écrit au directeur de Yad Vashem, en joignant une copie de l’article du Davar, mentionnant le rôle salvateur du consul de Turquie.

Il demande que l’on retrouve les survivants susceptibles de témoigner du sauvetage des 42 juifs de Rhodes. Mr. Isac KEREM de Jérusalem est alors chargé de cette tâche par Yad Vashem.

Après un voyage qui le mènera en Grèce, en Turquie, en Bulgarie et en France, il écrit un rapport détaillé en juillet 1989, dont j’ai eu connaissance.

Il a retrouvé et interviewé Mr. Selahettin Ulkman dans sa résidence d’Etiler, proche d’Istanboul. Mr. Ulkman avec pudeur et simplicité, lui raconta qu’il avait juste 29 ans en 1943 et qu’il venait d’être promu au titre de consul à Rhodes.

Il avait eu à tenir tête aux officiels allemands et tout spécialement au commandant de la Wehrmacht Kleeman, en charge de la raffle et de la déportation des Juifs. La situation de ces derniers, déjà précaire à la suite de la promulgation des lois raciales s’était dangereusement détériorée àpartir du 8/9/1943 lorsque les Italiens signeront un armistice avec les alliés. Les tensions entre les autorités consulaires turques et les allemands se dégraderont parallèlement très vite.

Cela commença lorsque les Allemands accusèrent les marins turcs de l’île d’aider les soldats italiens à déserter. Ils menacèrent de fusiller 39 turcs.

Mr. Ulkman réussit à les faire relacher, malgré les manoeuvres d’intimidation, dont le survol à brève altitude du consulat turc par des bombardiers allemands.

Le 18 février 1944, et dans leur logique de représailles progressives, les Allemands bombardent le consulat turc, blessant Mr. Ulkman et tuant 2 membres du personnel.

Malgré des menaces répétées, Mr. Ulkman refusa de quitter son poste. Il déplaça le consulat dans une villa vacante à Muxe, à 5 kilomètres du centre.

Le 20 juillet 1944, les Juifs turcs avisent le consul que les Allemands commencent à rassembler la population juive de l’île.

Mr. Ulkman se rendit immédiatement au quartier général du Commandant Kleeman et protesta énergiquement contre ces violations des conventions internationales.

Il lui fut répondu que d’après les lois allemandes, les Juifs devaient être envoyés dans des camps de concentration.

Le Consul Ulkman savait parfaitement la réalité sinistre des camps de la mort. Il argumenta qu’il n’y avait pas de differenciation possible entre les nationaux turcs, quelque soit leur religion.

Il revint le lendemain au centre de Chemenlik, lieu de rassemblement des Juifs de l’île. Il s’enquit personnellement du cas des 42 ressortissants turcs et avait amené papiers d’identité et passeports pour eux ainsi que tous les conjoints et enfants.

Le commandant Kleeman, soucieux peut être de ne pas envenimer davantage les relations diplomatiques turco-allemandes accepta finalement de ne pas les déporter. Il fut inflexible au sort des autres.

Mr. Ulkman n’avait hélas pas d’argument juridique à lui apporter. Il ne put même pas protéger les ressortisants italiens, pays qui avait été l’allié de l’Allemagne, sauf tous ceux dont les conjoints étaient des nationaux turcs.

Le consulat turc de Rhodes était alors coupé du monde extérieur et ses télégrammes aux ambassades de Berne et d’Athènes étaient retenus par la censure militaire. Tout seul face aux nazis, il réussit à sauver 42 juifs. L’ensemble des Juifs de Rhodes furent déportés d’Athènes le 2 août 1944 à destination d’Auschwicz.

Le lendemain de cette date fatidique les relations diplomatiques turco-allemandes furent rompues. Le 30 Août 1944, Mr. Ulkman quitta l’île avec sa femme Miri Nisa sur le bateau hôpital Gradisca qui fut bombardé en cours de voyage.

A Athènes, Mr. Ulkman fut assigné à résidence au consulat turc. Il avait été question de l’évacuer en Allemagne avec d’autres diplomates de Bulgarie, Roumanie et d’Italie, pour être échangés contre des diplomates allemands. L’évacuation précipitée de la Grèce par l’armée allemande en octobre 1944 empêcha cette opération. Il repartit plus tard en Turquie sur le bateau Konya et reprit du service au Ministère des Affaires Etrangères.

Mr. Ulkman dont tous les témoins rendent unanimement hommage à son courage, à sa grandeur d’âme et à la magnaminité, est le seul musulman reconnu comme juste parmi les nations. Herbert Israël

C’est une Rhodeslie, Mme Amélie Tarica-Mizrahi qui a prononcé le discours en turc lors de la cérémonie de remise de la médaille. Elle réside à Ashdod, en Israël. Elle était très émue de retrouver cette langue après 40 ans.

Elle lui a offert une montre qui indique l’heure de différents endroits du monde et un presse-papiers en marbre pour le bureau, avec en dédicace ce petit mot : "qu’il sache qu’avec ce modeste présent que dans un coin du monde, quelqu’un pense à lui avec reconnaissance et lui souhaite santé et bonheur toujours".

Nous présentons toutes nos condoléances à notre ami Herbert et aux siens pour le décès de sa très chère Maman.

Source : www.sefarad.org

Ancien utilisateur
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Et pour balayer définitivement lisez cette publication d'un site aux sources vérifiable et bien connu

http://www.sefarad.org/publication/lm/043/6.html


Et j'espère qu'après celà , tout juifs qui se respecte soutiendra les Turcs dans leurs marche en avant!
point finale sur le sujet pour ma part

Ancien utilisateur
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tu nous fais ton turkish pride ?

Ancien utilisateur
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parfaitement monsieur:-)

Ancien utilisateur
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tinquiete de toute facon ceux qui touche les juif c achem qui les eclate et la nature avec et sa f que comence tu vera

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