Lettre d'une goye

Ancien utilisateur
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Avant j’étais une femme.
Mais ça, c’était avant…
Aujourd’hui, je suis une goye.
Je ne le savais pas.
Jusqu’au jour ou l’un d’entre vous est entré dans ma vie, un peu par effraction, en forçant les verrous de ma solitude joyeuse.
Pour d’obscures raisons il me voulait moi, et pas une autre.
Je ne m’étais jamais posé la question de l’identité juive. Je ne m’étais jamais posé de questions tout court d’ailleurs. Je vivais mes histoires.
Depuis qu’il est là, je balance entre le bonheur et l’angoisse : Celle d’être en permanence sur un siège éjectable.
De loin en loin, je parcours les forums. Je lis toujours les même discours, j’assiste toujours, impuissante, aux mêmes douleurs :
Celles de nous, les autres femmes, les pas cacher.
Nous qui passons notre temps à nous excuser de ne pas être nées du bon coté de la barrière.
Nous qui recevons en pleine gueule les crachats méprisants de ceux qui pensent que nous sommes un fléau pire que la solution finale.
Il faut alors s’essuyer la joue et tâcher de garder la tête haute. Nous n’avons pas commis d’autre crime que celui d’être aimées d’un juif.
Personne ne brûlera en enfer pour ça.
C’est donc à mes consœurs désespérées, et qui cherchent ici un réconfort qu’elles ne trouveront pas, que s’adresse cette lettre :
Pour l’homme que vous aimez, vous avez lu des livres, téléchargé le calendrier des fêtes juives.
Vous avez appris des rudiments d’hébreux, vous mangez casher. Peut-être même que certaines d’être vous ont envisagé la conversion.
En pure perte.
Seul les libéraux vous accepteront. Or être juif aujourd’hui, ça n’est ni dans le cœur, ni dans les tripes, ni au fond de l’âme que ça se passe.
Etre juif, c’est avoir une mère juive et/ou être labellisé « consistoire de Paris. »
Consistoire qui vous refusera la conversion si celle-ci est demandée en vue d’un mariage.
Et au fond, je ne leur jette pas la pierre.
Mon reste d’honnêteté intellectuel admet que l’on doit embrasser une religion pour soi, et non pour faire plaisir à un tiers.
Quoiqu’il en soit : vous êtes prête à perdre votre identité pour coller au plus prés de la sienne.
Sans vous poser la seule vraie question, celle que toute femme est en droit de se poser :
Et lui ? Il a fait quoi pour vous ? Concrètement ?
A part descendre de son étoile de David pour se pencher sur le cloporte que vous êtes ?
A part vous faire sentir qu’il y aura toujours un plafond de verre entre vous, que vous êtes assez bien pour écarter les jambes, mais pas assez pour être présentée à sa mère…
A part se plaindre d’être déchiré entre son amour pour vous et son devoir de juif ?
Quand vous aurez la réponse (et vous allez vite la trouver) demandez vous alors si vous ne méritez pas mieux que ça.
Nous n’avons pas le pouvoir de faire des enfants juifs. Mais nous avons celui de faire des enfants libres. Des enfants qui choisiront ou pas de se convertir, qui n’auront pas honte d’être gay et qui pourront aimer, aimer et aimer encore sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit.
Nous ne leur donnerons pas l’identité.
Nous leur donnerons la liberté.
Celle que Dieu a voulu pour ses créatures.
Quand j’en aurais assez de porter le poids de conflits qui ne sont pas les miens, quand j’en aurais assez d’être une goye avant que d’être une femme, alors je partirai.
Mais peut importe la fin de mon histoire.
Il est une chose dont je suis intiment convaincue :
Quoique vous fassiez, quoique vous disiez, des milliers et des milliers de gens continueront de s’aimer envers et contre tout.
Et il n’y a rien que vous ne puissiez faire pour empêcher cela.





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