Voyage du pape- interview de René Samuel SIRAT

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René-Samuel Sirat : "Revenir sur la demande de pardon de l’Eglise amoindrirait l'acte initial"


Pour René-Samuel Sirat, ancien grand rabbin de France, comodérateur de la Conférence mondiale des religions pour la paix, artisan de la paix entre les religions, le voyage de Benoît XVI encourage le dialogue à aller de l’avant, en dépit des difficultés

Qu’aviez-vous retenu du voyage de Jean-Paul II, et qu’attendiez-vous de celui de Benoît XVI ?
René-Samuel Sirat : Il se trouve qu’en 2000, j’avais été le seul rabbin à accueillir le pape devant le Mur occidental à Jérusalem : voir ce vieil homme, souffrant, parcourir les quelques mètres jusqu’au mur et y déposer sa prière a été extrêmement émouvant.

Après un moment aussi grandiose, j’avais certaines appréhensions : Benoît XVI allait-il accomplir le même geste ? Il l’a fait, et pour moi cela restera, avec sa visite au mémorial de Yad Vashem, l’un des grands moments de ce voyage et même du dialogue judéo-chrétien.

Ce que Jean-Paul II a accompli n’était donc pas un acte unique, mais avait vocation à être répété. Quant à la condamnation qu’a faite Benoît XVI de l’antisémitisme et du négationnisme, elle a été très nette : désormais, il n’est plus possible qu’un évêque défende ces thèses.

Benoît XVI devait-il répéter la déclaration de repentance de Jean-Paul II ?
Une fois que la demande de pardon a été faite et que les juifs en ont été les témoins, les choses ont été dites : Jean-Paul II a engagé ses successeurs et l’ensemble de l’Église catholique. C’est cela, la grandeur du pardon, et c’est pourquoi revenir sur cette demande aurait diminué la portée de l’acte initial.

Devait-il avoir une parole particulière en tant qu’Allemand ?
On ne choisit pas son lieu, ni son année de naissance. Il avait 14 ans lorsqu’il a été enrôlé de force dans les Jeunesses hitlériennes : comment un enfant aurait-il pu s’élever contre les autorités nazies ? Benoît XVI a montré, par son attitude constante et ses déclarations, qu’il n’avait rien à voir avec les partisans de la « solution finale ». Ce n’est pas l’appartenance à tel groupe ethnique qui compte : nous, juifs, le savons mieux que quiconque.

Que répondez-vous aux chrétiens de Terre sainte qui considèrent la Shoah comme une affaire occidentale et pensent qu’en s’excusant, le pape valide la politique israélienne ?
Dire cela revient à rabaisser les propos du pape au niveau des pâquerettes. Jean-Paul II comme Benoît XVI ont mis l’accent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un génocide comme les autres : les nazis voulaient détruire un peuple en raison de sa confession. Cela concerne donc tous les chrétiens, qu’ils soient africains, asiatiques, etc.

Dans ce domaine comme en bien d’autres, je pense que la responsabilité de l’ancien patriarche latin, Mgr Michel Sabbah, est grande : il avait pris entièrement parti pour les Palestiniens et accusait les Israéliens de tous les maux de la terre.

Que pensez-vous du volet politique de ce voyage ?
Alors que le Vatican présentait ce voyage comme un pèlerinage, Benoît XVI est délibérément sorti de ce cadre en appelant notamment à la création de deux États. En ce qui me concerne, je suis convaincu que la paix entre Israéliens et Palestiniens est plus proche qu’on ne le pense. De toute façon, s’il y avait une autre solution, on le saurait !

Peut-il d’ailleurs exister une autre solution que la paix, à condition qu’elle soit sincère ? Quant à savoir si le pape est allé trop loin, il ne m’appartient pas d’en juger. D’ailleurs, certaines de ses déclarations ont peut-être aussi choqué du côté palestinien.

A-t-il suffisamment pris en compte les sensibilités israéliennes ?
La sensibilité des anciens déportés restera toujours à fleur de peau, et c’est bien normal. Sans doute ceux qui étaient à Yad Vashem auraient-ils attendu un mot plus chaleureux. Mais voilà, Benoît XVI est un introverti.

Quant au plan politique, demander des concessions est toujours difficile. Je remarque d’ailleurs que le pape a lourdement insisté pour demander aux Palestiniens de ne pas se laisser aller au terrorisme.

C’est un clou qu’il faut enfoncer, d’autant plus dans un contexte de menace iranienne : il y a, là aussi, une sensibilité à fleur de peau. Je pense enfin que, si l’on veut parler de justice et de paix, il faut aussi évoquer les enfants de Sdérot et d’Ashkelon qui vivent sous la menace des roquettes.

Comment recevez-vous l’appel de Benoît XVI au dialogue interreligieux, en particulier entre les fils d’Abraham ?
Lors de sa rencontre avec les deux grands rabbins d’Israël, il a rappelé la nécessité pour les chrétiens de se rapprocher des sources, du Premier Testament. Nul ne peut revenir en arrière ou encore dire que « Jean-Paul II est allé trop loin ».

Aujourd’hui, avec ce pape théologien, les choses sont cadrées : malgré les difficultés, le dialogue ira de l’avant. Quant aux discussions entre les trois religions abrahamiques, elles sont fondamentales car, précisément, le but approfondi du dialogue est de ne pas exclure.

Elles peuvent même aller plus loin que les dialogues bilatéraux, parce qu’elles dépassent les clivages existants : on va davantage au fond des choses, ou plutôt au sommet ! Teilhard de Chardin disait que les parallèles se rencontrent au sommet. Permettez-moi de dire, en conclusion, combien j’ai été ému de lire l’invocation de la paix pour Jérusalem dans la prière papale au Mur occidental.

Recueilli par Anne-Bénédicte HOFFNER

(1) La Conférence mondiale des religions pour la paix organisait dimanche 17 mai à Paris le colloque : « Quelle contribution des croyants à la paix en Terre sainte ? »

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