Zola, Dreyfus, et Pierre Assouline

Ancien utilisateur
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L’Affaire après l’Affaire

Cette semaine, nos éminences n’en auront que pour Zola. Elles célébreront le centenaire de sa panthéonisation. Ce sera également une manière d’enterrer une fois pour toutes le débat sur l’éventualité de celle du capitaine Dreyfus : on ne panthéonise pas une victime mais un héros, même si cette victime-là se défendit héroïquement, et puis le grand Zola louangé cette semaine ne sera pas l’auteur des Rougon-Macquart mais bien celui du plus célèbre éditorial de la presse française, J’accuse. Bref, l’écrivain a été panthéonisé pour lui-même et pour l’officier qu’il défendit, n’en parlons plus. Demain, la ministre de la Culture inaugurera une exposition au sein du temple républicain dédié “aux grands hommes, la patrie reconnaissante”. Et de jeudi à samedi, des chercheurs et des spécialistes venus de partout feront des communications dans le cadre d’un colloque. Parmi eux, Michel Drouin qui publie ces jours-ci Zola au Panthéon (166 pages, 13,50 euros, Perrin) dont le sous-titre est rien moins qu’intrigant :”La quatrième affaire Dreyfus” (la première allait de l’arrestation à J’accuse, la deuxième de J’accuse au procès de Rennes, la troisième de la grâce à l’arrête de la Cour de cassation)? De quoi s’agit-il ?
De l’Affaire après l’Affaire. Des lendemains de l’arrêt de la Cour de Cassation innocentant Dreyfus dont on croyait naïvement qu’il y mettait un terme définitif le 12 juillet 1906. Du retard exceptionnel avec lequel Zola fut réellement panthéonisé, le 4 juin 1908, soit deux ans après le vote du Parlement, retard historique dû à la violence de la pression nationaliste et xénophobe. Et du destin de Louis Grégori, normalien, monarchiste, agioteur et syndic de la presse militaire française, cet homme qui blessa le capitaine Dreyfus en tirant deux coups de feu sur lui à bout portant et de son scandaleux acquittement sous les exultations des Camelots du Roi. Il voulait juste se livrer à “une manifestation” sans véritable intention de tuer…
Michel Drouin étant un historien du genre pugnace et entêté, il a repris tout le dossier à zéro, et revisité l’enquête malgré la disparition des dossiers. Ses conclusions sont édifiantes sur cet épisode aussi ébouriffant que dramatique. Elles rappellent que l’antidreyfusisme mit du temps à désarmer avant de s’avouer vaincu. Le 29 janvier 1912, Maurras écrivait encore de Dreyfus :”…quelque jour, après lecture d’un arrêt de justice -arrêt définitif, sans merci, celui-là- douze balles lui apprendront enfin l’art de ne plus trahir et de ne plus troubler ce pays qui l’hospitalise“. Le même Maurras quittera la scène à l’issue de son propre procès et de sa condamnation au lendemain de la Libération par un historique :”C’est la revanche de Dreyfus !”Quarante ans après… En relisant cela dans ce récit très vivant, on a envie de lancer Vive Zola ! deux fois plutôt qu’une et surtout Vive Clemenceau ! sans qui ni la dépouille de Zola ni le fantôme de Dreyfus ne seraient au Panthéon. Michel Drouin s’est d’ores et déjà attelé à sa prochaine “mission” : faire rééditer les 4000 pages que Clemenceau consacra à l’Affaire. Vichy les avait fait disparaître des bibliothèques sous l’Occupation et depuis, on ne les trouve plus.
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