Culture

Exposition d’albums dédiés aux femmes résistantes pendant la Seconde Guerre mondiale

Par Feujworld Publié le
Dans leur très grande majorité, les résistantes ont déployé une activité ne supposant ni clandestinité, ni même rupture apparente avec les attendus liés leur genre. Défense des valeurs de la démocratie, rejet de l’antisémitisme et de la xénophobie, volonté de sauver des êtres menacés... furent les points communs de leur engagement, lui-même spécifique par sa précocité, sa spontanéité, et son ancrage au coeur du foyer. Au regard du statut politique et juridique des femmes, ainsi que de leur faible engagement militant antérieur, cette mobilisation fut sans précédent.

Pourtant la place des femmes dans l'ensemble des mouvements de la Résistance, et la place de la Résistance spécifiquement juive dans ce même ensemble, ont été longtemps minorées, ou ignorées.

Réalisée en partenariat avec les éditions Casterman sur une proposition d’Emmanuelle Polack, l’exposition bénéficie des prêts de plusieurs institutions publiques et privées : Musée de l’Armée, CHRD Lyon, Musée de la déportation et de la Résistance de Besançon, Musée de la Résistance Nationale de Champigny sur Marne, le Ghetto Fighters’ House, Israël...

Au sein de la Résistance, la place occupée par les femmes varie fortement selon les organisations. Sans surprise, elle est négligeable dans les maquis. Par tradition, la guerre est « l’affaire des hommes ». Plus conséquente dans les mouvements - entre 10% (Franc-Tireur) et 24% (Témoignage Chrétien) -, la part des résistantes est remarquable dans les réseaux (jusqu’à 41% dans le réseau Ali-France). Certaines activités, comme la liaison, le secrétariat, le service social, sont plus volontiers confiées aux résistantes, qui restent largement en marge des fonctions de décision. Les itinéraires d’une Jeanne Bohec, engagée début 1941 dans le Corps féminin des FFL et parachutée en Bretagne en février 1944 comme instructeur de sabotage, ou encore d’une Marie-Madeleine Fourcade qui dirige le réseau Alliance, sont l’exception. Dans leur très grande majorité, les résistantes ont déployé une activité ne supposant ni clandestinité, ni même rupture apparente avec les attendus liés leur genre.

Nourrir, héberger, soigner, secourir, mais aussi renseigner, saboter, transporter des armes voire les utiliser… Le spectre large, et dual, des activités résistantes déclinées au féminin se traduit par un portrait de groupe très contrasté. Les très jeunes filles, qui aspirent à être « libres d’elles-mêmes », pour reprendre l’expression de Tereska Torres, y côtoient des femmes d’âge mûr, voire des « vétérans » de la Grande Guerre, telle Emilienne Moreau (l’une des six femmes Compagnon de la Libération), qui s’était déjà fait connaître pour son action contre l’ennemi dans les territoires envahis en 1914. De même, la résistance mobilise des femmes professionnellement indépendantes comme des femmes au foyer. Enfin, la population résistante féminine mêle des femmes libres de tout engagement conjugal (célibataires, divorcées, veuves) et des femmes mariées, en plus grand nombre.

L’exposition propose une mise en miroir des planches originales des albums de bande dessinée dédiés à Amy Johnson, Sophie Scholl, Berty Albrecht et Mila Racine et des pièces d’archive, objets et photographies illustrant leur parcours et ceux d’autres grandes résistantes, issus de diverses collections patrimoniales.
 

Les arrestations

L’arrestation marque pour les résistantes un basculement. Le passage d’une vie d’action et de gestes souterrains à une vie de prisonnière. Conduites dès les premiers jours dans la prison la plus proche du lieu de l’arrestation, les résistantes sont internées ensuite dans les quartiers allemands des prisons françaises comme ceux de Montluc à Lyon ou de Fresnes à Paris. Beaucoup sont placées à l’isolement et mises au secret. Au cours de cette première étape, les résistantes impliquées dans l’activité de leur réseau ou de leur mouvement sont extraites de leur cellule pour être conduites sur le lieu de leur interrogatoire. La machine répressive allemande fait son oeuvre et vient sceller le sort des résistantes.
 

Les déportations

Entre 1940 et 1944, environ 6 700 femmes sont déportées depuis les territoires occupés, et près de 2 200 depuis les territoires de l’Alsace et de la Moselle annexée. L’immense majorité d’entre elles étaient des résistantes.
Cependant, les politiques répressives au cours de l’occupation évoluent. Les premières déportées de France sont ainsi des femmes lourdement condamnées par les tribunaux militaires allemands, conduites dans les prisons et les forteresses du Reich pour y purger leur peine. Dès 1941, les condamnations se font de plus en plus sévères face à une résistance qui progressivement se structure. Les femmes condamnées à la peine capitale, chaque mois plus nombreuses, sont alors transférées dans une prison allemande, la procédure interdisant de les fusiller en France. Si la plupart voient ensuite leur peine commuée en réclusion à perpétuité (Yvonne Oddon par exemple), certaines résistantes membres d’organisations communistes et de groupe de francs-tireurs notamment ne sont pas épargnées, comme Françoise Bloch-Serazin, Olga Bancic ou encore Simone Schloss.
 

Décret NN

En décembre 1941, le décret imposant la procédure dite « Nacht und Nebel» (Nuit et Brouillard) est promulgué par le Maréchal Keitel, commandant en chef de la Wehrmacht. Désormais, seuls les résistants dont la condamnation à mort peut être prononcée et exécutée moins d’une semaine après l’arrestation sont jugés en France. Les autres suspects sont transférés dans le plus grand secret en Allemagne pour y être jugés par des tribunaux civils ou militaires. La disparition de ces prévenus dans la « nuit et le brouillard », ayant pour but de renforcer le caractère dissuasif de cette mesure. Plus de 1 000 femmes de France sont victimes de la procédure NN entre fin 1941 et le printemps 1944. Renée Lévy sera l’une d’entre elles.
 

Des transports directs vers les camps de concentration

Au début de l’année 1943, la Sipo-SD s’accorde officiellement le droit d’interner sans jugement les suspects grâce au principe de la Schutzhaft (détention de sécurité). Dès lors, après plusieurs mois passés dans les prisons de France, l’immense majorité des femmes déportées sont rassemblées à Compiègne puis dans le fort de Romainville qui devient à partir de 1944 l’antichambre de la déportation pour les femmes de France. Le premier transport direct de femmes est formé le 23 janvier 1943. Dirigé vers Auschwitz, il emporte 230 femmes dont une grande majorité d’illustres militantes communistes parmi lesquelles Danielle Casanova, Charlotte Delbo, Marie-Claude Vaillant-Couturier.

Durant l’année 1944, environ 4 800 femmes sont déportées depuis les territoires occupés soit les deux tiers des femmes déportées de France dans le cadre des politiques de répression.
Le 31 janvier, le plus important transport de femmes de l’occupation est formé avec 959 femmes dont Mila Racine et Odette Fabius, l’une des responsables en 1943 du réseau Centurie.
Dans le même temps, la déportation des femmes condamnées par des tribunaux militaires se poursuit. Plus d’une centaine sont ainsi transférées depuis la France vers des prisons outre-Rhin. A l’automne 1944, l’immense majorité des prisonnières encore présentes dans les geôles allemandes sont transférées vers Ravensbrück.
Le camp de concentration pour femmes au nord de Berlin est alors une immense plaque tournante de la répartition des femmes de toute l’Europe dans l’industrie de guerre allemande.
 

Les premières libérations (avril 1944)

Dans les derniers mois de la guerre, face à l’avancée des armées de l’Est et de l’Ouest, les Allemands tentent de regrouper dans le mince couloir encore sous leur contrôle les détenues des camps de concentration. Ravensbrück est l’un des derniers camps à être libérés. Au cours des ultimes semaines, plusieurs missions de libération et de rapatriement sont organisées. Une première opération de sauvetage a lieu à partir du 4 avril. Au total 299 femmes sont soigneusement sélectionnées par l’administration du camp et embarquées dans des bus de la Croix-Rouge Internationale. Ces premières femmes libérées du camp de concentration arrivent le 14 avril 1945 en France.
Le 22 avril, les déportées présentes au camp de Mauthausen sont libérées et rapatriées par la Croix-Rouge alors que les 23 et 25 avril de nouvelles négociations, menées sous l’impulsion du Comte Bernadotte notamment, permettent à la Croix-Rouge Suédoise de sauver une grande majorité des femmes encore détenues au camp de Ravensbrück.

A côté des résistants d'origine juive mêlés aux autres résistants, il existait une Résistance juive spécifique par sa composition, ses buts et ses méthodes.
Face aux conditions très variées de l’occupation de l’Est à l’Ouest de l’Europe, elle concentra principalement son action sur le sauvetage, la lutte armée et la résistance spirituelle. Se défiant des stéréotypes, la Résistance juive a mené des révoltes armées dans les conditions désespérées des centres de mise à mort et des ghettos, regroupé des milliers de partisans ou maquisards juifs sur le front de l'Est, en France, en Belgique, aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Elle a aussi déployé une Résistance dite spirituelle, pour pérenniser l'identité du groupe juif et pas seulement son existence physique : culture, religion, éducation, valeurs furent des terrains de lutte, en direction des adultes comme des enfants.
Au sein de réseaux aux idéologies multiples, les femmes furent au premier plan de la lutte et l’historiographie leur accorde aujourd’hui une reconnaissance légitime. Plus de 50 portraits parmi des centaines d’autres résistantes sont mis à l’honneur dans l’exposition.



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