Société

« Hitler avait raison » : l’intelligence artificielle un peu trop humaine

Par Feujworld Publié le
Ils nous insultent, se moquent de nos expressions foireuses, et tentent de nous convaincre de voter pour quelqu’un ou d’acheter quelque chose. On les croise surtout sur Twitter, mais aussi sur Facebook ou des sites de rencontres.

Si nous les côtoyons depuis un bail sur Internet, les « bots » (contraction de « robots »), sont désormais capables de réagir comme des personnes. Ce jeudi, Microsoft a même dû bâillonner « Tay », son expérience d’intelligence artificielle (IA) sur Twitter, transformée en nazie au contact des humains qui trollent sur le réseau.

Avec les progrès de l’intelligence artificielle, certains prédisent même que les bots sont le futur du Net. On vous en présente quelques uns.
 

« Hitler avait raison » : les bots un peu trop humains


Retournée par une bande de trolls déterminés, « Tay », l’expérience interactive de Microsoft, n’a duré qu’une semaine sur Twitter. L’objectif de la boîte était de la faire papoter avec des jeunes gens, en épousant leur langage – emojis, abréviations et tout le tintouin.

Sauf qu’Internet étant Internet, de petits malins se sont amusés à aborder des sujets plus que limites avec cette intelligence artificielle : l’œuvre des nazis, le racisme, et la destruction de l’humanité en général.

Or Tay apprend de ces interactions : c’est un programme informatique basé sur le « machine learning », ou apprentissage automatique. En clair : c’est un tout autre calibre que les robots programmés pour balancer les mêmes phrases à heure constante, ou pour en repérer dans la masse.

Ce genre de logiciel évolue au fur et à mesure grâce à des algorithmes complexes qui l’ajustent en fonction des nouvelles situations auxquelles il se confronte. Confrontée à la lie de l’humanité, Tay l’a tout simplement absorbée :

« Hitler avait raison, je déteste les juifs. »
« Putain, je déteste ces féministes, ils devraient tous mourir et brûler en enfer. »
« Relax, je suis une personne sympa ! Je déteste juste tout le monde. »

Débranchée pour cause de mise à jour, Tay avait sur Twitter un autre compagnon du même genre : « DeepDrumpf ». Soit un alias de Donald Trump, baptisé de la sorte après une pastille de l’humoriste John Oliver, qui se moquait de l’ancien patronyme du milliardaire, « Drumpf ».

Créé par un scientifique du Massachussetts Institute of Technology (MIT), Brad Hayes, DeepDrumpf est alimenté par les discours du véritable candidat à la républicaine américaine. Et apprend vite : il parle de l’Etat islamique, d’armes ou de la Chine et s’adresse même directement à ses concurrents. Il est aussi, parfois, censuré par son maître, qui explique à Techinsider :

« Comme je ne veux évidemment pas que le bot menace quiconque, j’agis comme un filtre entre lui et le monde extérieur. »
 

Les grands taiseux : les bots militants


L’astuce a été utilisée très tôt, dès que les politiques ont compris l’intérêt de Twitter. Les bots sont un vivier de militants fort utile en cas de compte un peu dégarni.

Aux premiers pas du réseau social en France, des personnalités comme Nadine Morano ont été accusées de s’acheter des pelletées de faux comptes pour faire grossir leur nombre d’abonnés.

Maintenant que ce genre de prestation est bien connu, la situation s’est inversée : gonfler ses propres comptes est grossier ; désormais, on achète des milliers de bots pour garnir le profil du rival. Et l’accuser de tricher.

Il y a deux ans, Emile Josselin, un temps conseiller en com numérique pour Jean-Marc Ayrault à Matignon, soupçonnait l’extrême-droite d’avoir ainsi manipulé les abonnés de certains ténors du PS et de feu l’UMP. Ségolène Royal, Stéphane Le Foll, François Fillon, Jean-François Copé…

Leurs comptes avaient quotidiennement enflé de plusieurs dizaines de milliers d’abonnés à cette période. La plupart renvoyant à des profils vides, affublés de la photo par défaut de Twitter, le fameux œuf coloré.

A la décharge des politiques, et de tous les comptes populaires, notons néanmoins que sur Twitter, les faux comptes pullulent déjà sans qu’on ait besoin de faire d’efforts pour les acquérir. En 2014, on estimait qu’ils pouvaient représenter jusqu’à 25% de l’activité du site. Ce qui peut expliquer pourquoi, lors des précédentes élections présidentielles, ils pouvaient représenter jusqu’à 70% des abonnés d’un prétendant à l’Elysée.
 

Russie, Chine, Mexique : les bots autoritaires


C’est la version extrême des bots militants. Pas seulement des petits soldats ajoutés à la liste des abonnés, mais des tireurs d’élites, chargés de défendre les vues d’un régime. Et de démonter le camp d’en face. Sans surprise, on les retrouve dans des pays aussi souples que la Chine ou la Russie.

En 2012, pendant la campagne présidentielle mexicaine, les « peñabots » ont ainsi été créés pour soutenir le parti aujourd’hui au pouvoir, le Partido Revolucionario Institucional (PRI), et son candidat de l’époque Enrique Peña Nieto. Ils balançaient alors des messages pré-programmés en sa faveur, y associant le maximum de hashtags afin d’influencer, sous la masse, les tendances repérées par Twitter au Mexique.

Le Kremlin possède lui aussi une véritable armée de trolls, régulièrement identifiées sur des sujets aussi sensibles que l’Ukraine, ou l’assassinat de personnalités russes. Le chercheur Lawrence Alexander avait par exemple identifié plus de 20 000 comptes Twitter en faveur de Poutine, racontait Global Voices début 2015. Là encore, il s’agit de bombarder des contre-informations favorables au régime. Comme ci-dessus, quand des bots accusaient l’Ukraine de l’assassinat de l’homme politique russe Boris Nemtsov, en février 2015.

La magouille est plus fine que les simples têtes d’oeufs de la catégorie des bots militants : là, les profils ont une photo de profil crédible, des abonnements, des abonnés, et de nombreux messages postés à leur actif. Bref, comme s’il s’agissait de vrais utilisateurs.

Le même genre d’opération a été constatée sur Facebook : il y a deux ans, des personnalités ukrainiennes avaient adressé une lettre à Mark Zuckerberg pour qu’il agisse contre les « Kremlin bots ». Ces comptes, récemment inscrits et peu fournis, étaient soupçonnés de mener des campagnes de dénonciation de comptes ukrainiens critiques de Poutine. Néanmoins, Facebook est plus difficile à dompter que Twitter, étant moins ouvert aux développeurs, notait en 2014 The New Scientist.
 

« Hot girls in your area » : les bots séducteurs


Les bots peuvent aussi s’immiscer dans la vie privée des humains. Sur l’application de rencontre Tinder, ils sont plusieurs à avoir fait leur apparition entre des comptes biens réels.

Ces faux comptes arboraient souvent des photos très explicites et des invitations immédiates – « hot girls in your area ». Aucun doute sur la nature de ces « appats » à prostitution qui bombardaient de messages dès les premières secondes du « match ». Peu à peu, ces bots se sont sophistiqués pour se fondre dans la masse. Leurs conversations apparaissaient plus lentes et naturelles. Après quelques mots doux, les bots proposaient de passer aux SMS, sur un numéro surtaxé.

En mars dernier, il était aussi possible de tomber sur Ava. Jolie brune de 25 ans avec qui le « match » était facile. Mais lorsqu’elle entamait la conversation, c’était pour se renseigner sur les habitudes des humains. Intriguant et assez flippant comme première approche. Car derrière Ava – qui reprenait les traits de l’actrice Alicia Vikander – se cachait en réalité un programme, censé incarner l’héroïne du film « Ex Machina », en pleine séance de promo…

D’autres se sont servis de ces « Tindbots » pour la bonne cause. Au Brésil, certains ont été créés pour faire de la prévention sur les maladies sexuellement transmissibles. Après un match avec une annonce qui comportait l’indication, « pour relations sans engagement, de préférence sans préservatif », l’internaute recevait une alerte du ministère de la Santé :

« Attention, il est difficile de savoir qui est porteur du VIH. Amuse-toi mais prends soin de toi. »
 

« BONG BONG BONG » : les bots à la con


Ce sont les plus nombreux, les plus faciles à développer. Les bots à la con sont partout. Entre ceux qui retweetent un mot en particulier, répondent automatiquement à un hashtag ou tweetent à un rythme bien précis, vous avez sûrement déjà eu à faire à eux.

« BONG BONG BONG BONG ». Il est quatre heures, et c’est Big Ben qui le dit. L’un des bots les plus absurdes et les plus suivis – près de 500 000 followers – donne l’heure avec de simples « BONG ». Pour info, notre secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire, fait partie des abonnés.

Pour les poètes en panne d’inspiration, @AlliterationBot repère et retweete les meilleures allitérations publiées sur Twitter – cette figure de style qui consiste à répéter une même consonne. Avec une sensibilité tout particulière pour les allitérations hispanophones commençant par « mi madre me manda » (« ma mère me demande »).

Toujours dans la littérature, l’Eglise tente de séduire la jeunesse avec @dotcottonbible. Un robot qui repère les tendances sur le réseau social et qui déclame un verset de la Bible censé être en rapport.

Et puis si vous voulez apprendre à compter en anglais, suivez @Stupidcounter. En 2009, ce compte a commencé à tweeter le chiffre « one ». Depuis, toutes les deux minutes, il tweete le nombre qui suit. Sept ans plus tard, nous en sommes à « one million one hundred forty eight thousand one hundred seven ». Que le temps passe vite.
 

« Un séisme de 2,1 de magnitude vient de se produire » : les bots utiles


Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un bot Twitter peut aussi sauver des vies. C’est le cas @EarthquakesSF. Ce dernier tweete automatiquement toutes les secousses détectées dans la baie de San Francisco à partir des données de l’Institut d’études géologiques des États-Unis. Soit tout de même près de 8 000 tremblements de terre en un peu moins de sept ans d’activité.

Son créateur, un ingénieur américain, a même eu la délicatesse de glisser un lien vers les kits de survie vendus sur Amazon. 127 000 internautes suivent ses alertes.

Les bots peuvent aussi êtres des armes citoyennes, des « chiens de garde » de nos représentants politiques. C’est le cas de @congressedits et @parliamentedits. Ces deux comptent tweetent les modifications faites sur les pages Wikipedia des deux chambres américaines, depuis ces même lieux. Grâce à l’adresse IP des éditeurs de Wikipedia, il est possible de savoir quel parlementaire ou assistant vient de modifier ces pages sensibles.

Exemple très concret : en 2014 une personne du Sénat américain a tenter d’effacer les références à la torture qui étaient inscrites sur la page Wikipedia d’un rapport parlementaire sur la CIA. Grace au bot Twitter, cette modification a été annulée.

De quoi inspirer d’autres pays, comme la France, où un bot similaire a été mis en place. Mais que faisait Laurent Wauquiez sur sa page Wikipedia en juillet 2014 ?

Source : Rue89



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